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Littérature lesbienne ce soir

Publié le par Supernova

... Et vous êtes encore là! Ces histoires avec Paris, Katherine ne vous ont pas fuir? Non. Moi non plus. J'aime m'attarder devant le spectacle du monde. Et vous qui passiez par là,  avez également eu cette indécrottable envie de vous arrêter ; comme l'autre soir, hein ? Et le soir précédant. Installez-vous. Faites comme chez vous. Retirez votre manteau et servez-vous du thé, car je voudrais vous parler d'un livre à présent. Voyez-vous, un jour, une fille que j'aimais assez m'offrit un livre. Ce genre de cadeaux de sa part m'inquiétait toujours, car nous nous ne jouissions pas des mêmes plaisirs en littérature. Lorsqu'elle m'offrait un livre, je ne dépassais pas la cinquième page, et lisais directement les deux derniers chapitres, histoire de ne pas vieillir bête. Non nous n'aimions pas les mêmes livres, et encore moins les mêmes musiques, et pas non plus les mêmes films. La vie quotidienne suivait le même schéma. Et nous nous complétions ainsi, voyez-vous, jusqu'à ce qu'elle commençât à aimer ce que j'aimais, écouter ce que j'écoutais, se vêtir comme je me vêtissais, ...

Elle devint rapidement une espèce de clône, puis d'ombre qui lisait mes pensées et les exécutait avant même que je ne bouge. Donc, je commençai à m'éloigner d'elle. J'avais déjà du mal à me supporter à l'époque, alors la voir se changer en cet autre moi, devenait simplement angoissant, agaçant puis stupide. Je ne vous raconte pas la suite de cette histoire mais vous la devinez n'est-ce pas ? mmh. 

Voyez-vous, tout cela me rappelle une nouvelle de Jackie Kay. Vous connaissez Jackie  n'est-ce pas ? La fille dont je vous parlais m'avait offert ses Trompettes, l'histoire d'un musicien de jazz, adulé et respecté, qui aimait sa femme, ses potes et la musique et qui mourut, un peu trop tôt, d'une bien étrange maladie. Mais la question ne porte pas sur ce dernier point. Sa maladie. La question est d'ordre sexuel. La question porte donc sur le sexe, puis  la sexualité de ce joueur de trompette, qui en réalité était une femme. Donc vous imaginez  le scandale pour l'Amérique de l'époque. Joss était une femme. Et les journalistes à la femme de Joss ; vous le saviez, vous ?  Excellente celle-là !

Figurez-vous que Jackie a écrit des dizaines de romans, recueils de poésie ou de nouvelles, abordant des sujets variés (et pas seulement l'homosexualité féminine ou le couple de femmes). Jackie Kay aime également les femmes, mais est-ce si important (j'apprends à être hypocrite). Et Jackie Kay a écrit cette nouvelle You Go When You can No Longer Stay (On part lorsque l'on ne peut plus rester), dans le recueil Wish I was here ; qui me rappelle tant cette fille que j'ai (forcément) aimée.

...

Extraits traduits :

Je m'ennuyais lorsque j'étais seule. Je commençai à débarasser les restes de notre repas et constatai que Hilary n'avait pas touché à son riz. Elle avait mangé sa salade, cependant. Je ne savais pas quoi faire lorsque je me retrouvais seule; d'habitude nous regardions la télé à ce moment là, Frost ou Miss Marple ou Midsomer Murders. Mais récemment, Hilary disait : "ça ne me ressemble pas de regarder Frost. Non, c'est typiquement toi". Elle commençait à dire cela assez souvent. "Je ne suis pas du genre à faire ceci ou cela". Furieuse, je me demandai si Martin Amis l'avait engrainé dans tout ça. Peut-être, dans un de ses livres conseillait-il aux gens qui étaient en couple de changer toutes leurs habitudes. Peut-être qu'étant résolument hétéro, il s'évertuait à détruire le couple de femmes. J'eus soudain un flash. Si elle lisait Martin Amis, je devais le lire moi aussi, c'était l'unique chose qu'il me restait à faire si je voulais la comprendre.
...


Nous marchions côte à côte, avec notre chien Orlando [...] lorsque tout à coup Hilary me dit :" J'ai pensé qu'il serait mieux d'en parler dehors ; tu sais je ne suis plus heureuse depuis un moment"; 
Je répondis, blessée :
"-J'ignorais cela
- Oh, voyons. Tu le savais chérie, dit-elle doucement.
Je secouai la tête avant de mettre mes mains dans les poches. Notre chien revint vers nous. Je ramassai son jouet et le jetai le plus loin possible. C'était un jour d'hiver extrêmement beau. [...]
"-N'est-elle pas belle cette lumière, dis-je ?
- Pourquoi ne veux-tu pas en parler ? demanda-t-elle alors
- Ne gâche pas notre promenade, lui répondis-je !
[...]
- Je sais que c'est dur pour toi, je sais bien que nous pensions que nous vivrions ensemble pour toujours, mais il se passe des choses, et la vie change. ("stuff happens, life changes"). 
Il faut aller de l'avant".

...

Je marchai à ses côtés. Au moins, elle n'avait pas cité Martin Amis, et elle ne m'avait pas non plus dit le nom de l'autre. Je présumais que c'était une femme de toutes les façons. Puis, je ne voulais pas connaitre son nom. Je ne voulais pas savoir à quoi ressemblait, je ne voulais rien savoir d'elle. 
"Ferais-tu au moins une chose pour moi ? demandai-je à Hilary. Ne me dis rien à son sujet, s'il te plait. Absolument rien. 
-  C'est stupide, remarqua-t-elle! Je ne rentre pas dans ce jeu là. Je n'ai rien fait de mal. Rien dont il faudrait que j'ai honte.  
  - Mais tu as cessé de m'aimer, dis-je calmement
- Parce que nous n'étions plus assez bien l'une pour l'autre. 
Je la regardai et constatai qu'elle avait perdu pas mal de poids. 
- Comment as-tu fais pour maigrir autant, lui demandai-je ?
- Je ne veux pas te le dire. Je ne veux pas que tu copies cela également. Tu copies tout. Si tu n'avais rien copié, nous nous aimerions encore. 
- Et qu'est-ce que je copie, demandai-je quelque peu alarmée ?
- Rien, répondit-elle. Laisse-tomber..."

"You Go When You Can no Longer Stay", in
Wish I was here
On part lorsque l'on ne peut plus rester, traduction par Supernova...




ps :
Trumpets
(Le trompettiste était une femme)

 

 

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Y
alors toi aussi tu es toujours là. <br /> l'étoile la plus grande du monde. l'étoile du chaos et de l'éclat.<br /> la puissance de ma lune est faible, mais elle est encore plus lumineuse lorsque la plus grande des étoiles l'éclaire. il est bien tard ce soir, trop tard pour une tasse de thé sans doute. alors assis toi, les jambes sur le canapé, la tête sur le rebord. et étire toi. chaque muscle, tes mains, tes pieds...tes bras, ton cou. prends le temps, même s'il est tard. et puis sers toi une grande tasse d'eau chaude, c'est bon pour ton corps. ça le détend. détend toi mais surtout n'allume pas itune. n'écoute pas de musique parce que ce soir je voulais t'inviter à une musique. c'est une musique de nuit qui se passe à la campagne. <br /> ferme les yeux et imagine le silence. pas de voiture, pas de ville, pas de téléphone...juste une petite rivière et un grand château sans lumière. il n'y a que la lune qui peut éclairer nos pas. puisque tu demandais ou j'étais...ailleurs comme tu le dis. et de là, je veux t'emmener en ballade. en balade nocturne, près de la rivière. il fait doux ce soir, on entend déjà les oiseaux. on entend les carpes dans l'eau qui voient nos ombres. elles pensent qu'on va les nourrir. tu as pensé à prendre des petits morceaux de pain pour les carpes ? oui... merveilleux, allons nourrir les carpes alors, ces éternelles affamées. et écoutons la musique de l'eau. s'il faisait plus chaud nous serions allées nous baigner, éclairées par la lune et par la grande étoile. plus tard peut être nous irons nous baigner par une nuit d'été. la balade continue, tu entends le vent qui nous murmure des mots doux au coin des oreilles... il est léger et régulier, il nous caresse le visage. dans le silence la musique naît. allongées sous un saule pleureur nous sourions vers le ciel. bercés par le vent, abritées par le saule et le ciel nous nous endormons...tout doucement.
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Y
 les gens qui te copient, qui me copient aussi parfois ça te (me) fait fuir...leur emprise nous fait peur. on devient leur miroir. ils deviennent notre miroir. un miroir qui n'est pas spontané, un miroir truqué, artificiel. aujourd'hui je comprends mieux.sans repère on se raccroche aux quelques repères que l'on trouve sur son chemin. rencontrer quelqu'un qui a des reperes c'est fascinant. on copie cette personne aux repères. on pense que la musique qu'elle écoute fabrique des repères. on pense que les livres, les habits, les films qu'elle aime sont la raisons de tous ses repères, de sa stabilité... celle qui cherche les repères décortique celle aux repères avec avidité. cette avidité presque malsaine fait fuir. mais pourtant les repères ne se trouvent pas dans la musique ou dans les habits... ils se trouvent à l'intérieur. même décortiquée jusqu'au sang on ne peut pas plonger dans l'intérieur de l'autre pour y puiser son bonheur. suivre une route pas les éléments extérieurs.
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